vendredi 29 juin 2012

Impressions d'un naufragé volontaire


Ce fut une première pour moi. L'univers hospitalier restait une grande nébuleuse aux odeurs de désinfectant et mes seules incursions consistaient à, rarement, visiter un proche. Toujours avec un certain malaise, ne sachant pas si ces visites étaient réellement bénéfiques pour le visité, mais sûrement déstabilisantes pour le visiteur. 
Et puis la machine s'est mise en route. Comme mon cas portait l'étiquette "urgence", j'ai échappé à plusieurs préliminaires, et c'est tant mieux. Dans la seule journée de lundi, une foule d'examens réclamés par le chirurgien, comme analyse de sang, radio des poumons, scanner de l'abdomen pour localiser avec précision ce foutu anévrisme et surtout artériographie du coeur pour vérifier l'état  des artères périphériques irriguant ce dernier. C'est l'examen le plus impressionnant. On reste parfaitement conscient et l'on assiste à tout le processus. Une sorte de canule est introduite au niveau du poignet. Elle est "poussée" jusque dans la région du coeur, et son trajet est suivi en "live" ,aux rayons X, sur un écran grand format. Lorsqu'elle est en place, de faibles injections d'un produit de contraste dessine tous le réseau qui irrigue le coeur. C'est très impressionnant! Cet examen a pour but de vérifier la santé du réseau des artères coronaires. Lors de l'intervention proprement dite, le coeur sera sollicité à plusieurs reprises, et il est important de s'assurer qu'il supportera ces minichocs. Si l'on constate des rétrécissements dus au cholestérol par exemple, une autre solutions chirurgicale est choisie: Pose d'un stent. C'est une prothèse introduite par l'artère fémorale, sans avoir besoin d'ouvrir. C'est comme si on réparait un pneu de vélo en introduisant un tronçon de tuyau par la valve! Comme tous les examens étaient bons, le chirurgien a choisi l'intervention "lourde". A l'exception du choc opératoire, cette pratique offre beaucoup de sécurité; grande expérience puisque pratiquée depuis plusieurs dizaines d'années, absence de rejet, longévité, peu de complications, etc…
Donc mardi, départ pour la salle d'opération. Je n'ai pas de souvenir de cette journée. Les somnifères pris pendant la nuit, et les tranquillisants administrés avant l'anesthésie ont tissés un grand voile nuageux dont j'ai émergé quand tout était fini!
Le chirurgien m'apprend que tout s'est bien passé, et qu'une des parois de l'anévrisme était fine comme du papier à cigarette!
Au début, pas de problème: l'anesthésie péridurale qui est maintenue 48 heures nous protège de toutes douleurs. C'est presque euphorisant de constater qu'un si grand bouleversement dans l'ordonnance des organes du ventre ne provoque pas plus d'effet. La photo prise en salle de réveil démontre bien cette phase d'euphorie.
En bonne compagnie aux soins intensifs












Après, ça se gâte. On ne prolonge pas l'anesthésie péridurale au delà de la phase de réveil aux soins intensifs pour des raisons techniques et médicales. Il est urgent d'exiger de l'organisme qu'il reprenne la direction des opérations sans artifices.  Les intestins, qui ont été fortement perturbés doivent retrouver leur place et le transit doit redémarrer.
La nuit qui a suivi (hier) a été vraiment très pénible. Des maux de ventre à hurler et aucun répit. Heureusement que des médicaments apaisent les phases aigües, mais l'effet est limité dans le temps et certains d'entre eux, à base de morphine, ne peuvent pas être administrés indéfiniment. Ils provoquent une paresse des intestins, soit exactement l'effet inverse recherché. Il faut donc serrer les dents et attendre.
Dès 1h30 ce matin, j'ai ressenti nettement la diminutions de la douleur et j'ai compris que le pic était passé. Voilà, c'est pas très poétique, en regard des histoires de bateaux et de loutres, mais j'ai ressenti la nécessité de jouer le jeu du "ressenti" comme je l'ai fait jusqu'à présent.
Si tout se passe bien, nous serons en mesure de poursuivre notre voyage début août.